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Contributions individuelles

Le travail, à l’intersection de toutes nos colères

Questionner le travail #1

Le travail, en tant que tel, reste dans l’angle mort des luttes sociales et sociétales. Il s’impose à tout le monde, affecte nos vies au plus haut point, mais n’intéresse les débats qu’en termes de modalités sectorielles.
Pourtant, l’extension de nos analyses à la critique fondamentale du travail permettrait peut-être de connecter les luttes en bousculant la fatalité de l’isolement militant (méchante « dépolitisation », méchant « individualisme »), vers l’invention collective de nouveaux modes de production et pour un vrai changement de société.

“Rien ne sert d’être vivant, le temps qu’on travaille.”

André Breton, Nadja (1928)

Ça se passe sur Facebook, pendant le confinement. On est le 13 avril, l’usine Toyota annonce qu’elle souhaite reprendre la production le 21. « Mais on ne veut pas que l’usine Toyota redémarre ! » s’emballe un copain, Jean-Christophe Menu. « Ni celle-ci, ni aucune autre usine de bagnoles ! » « Grâce à un grain de sable dans la mécanique capitaliste, nous sommes à un point de l’humanité inespéré, où le temps est redevenu réel, potentiellement utile à l’humain et à la vie, résolument inutile au capital mortifère, et c’est peut-être notre dernière chance. Il nous faut absolument saisir cette chance. L’anti-temps du capitalisme ne doit pas redémarrer. L’usine Toyota ne doit pas redémarrer ».

Rapidement, deux réactions à cette belle envolée font tâche : « N’oublie pas d’aller en parler aux ouvriers de Toyota », dit l’une. Et l’autre, plus laconique encore : « 210.000 emplois dans l’industrie automobile…  »

En brandissant le carton « attention, travail », ces arbitres, qui se réclament pourtant moins de Geoffroy Roux de Bézieux[1]que de Jean Jaurès, reprennent à leur compte un procédé très prisé par le patronat dès lors qu’on lui chie dans les bottes, et qu’on appelle le « chantage à l’emploi ».

Car le travail ne se discute pas, et le refus du débat transcende les positions sociales et politiques. On descend certes dans la rue pour des motifs très souvent liés au travail : parce qu’on ne bosse pas ou parce qu’on bosse trop, parce qu’on revendique des aménagements autour du salaire, du temps de travail, de l’environnement de travail, bref, parce qu’on a des soucis avec les conditions de travail. Mais on ne descend jamais dans la rue contre le travail.

La question « pourquoi faut-il travailler ? » admet comme réponse universelle : « parce qu’il faut bouffer ! ». Travailler relèverait même de la dignité humaine. Le principe de « droit au travail » est devenu central en France lors de la révolution de 1848, alors que la population parisienne crevait la dalle, et les Nations Unies l’ont inscrit à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme un siècle plus tard[2].

On ne fera pas injure aux luttes syndicales et politiques en affirmant qu’elles ont historiquement rejoint les efforts patronaux dans la dynamique de mythification du travail comme constante anthropologique (cette petite musique selon laquelle le travail aurait toujours existé et qu’il serait gravé dans nos gènes)[3].

On ne fera pas injure aux Gilets jaunes non plus en constatant leur soutien à cette dynamique, par des revendications bigarrées en faveur d’une meilleure justice sociale, c’est-à-dire une répartition plus égale des fruits de la production, et donc du travail, sans jamais remettre en question la production elle-même. Le gilet jaune « concerne spécifiquement les gens utilisant leur véhicule pour aller travailler », note d’ailleurs l’historien Gérard Noiriel[4] . « Il permet également de faire le lien avec tout un pan du monde ouvrier : les employés municipaux, les travailleurs sur les chantiers, etc., qui sont tous amenés à porter ce vêtement de protection ».

De manière plus générale, on notera que les luttes s’intéressent assez peu à la critique du travail. Malgré leurs divergences, la plupart des syndicalistes, Gilets jaunes et écolos se rejoignent dans la même impasse en raison de réflexions parcellaires, qui servent très mal les causes que chacun-e entend défendre : ce n’est pas un postulat mais un constat, vu l’état du monde.

Il est beau mon panache, il est beau

La frontière entre, d’une part, les prolos ou déclassés de la petite bourgeoisie ayant spontanément enfilé le gilet et, d’autre part, les classes moyennes de type « CPIS »[5] rétives à l’agitation des ronds-points, matérialise la mutation idéologique opérée dès les années 80 par la gauche de gouvernement, quand elle décida de bouder le social au profit du sociétal. La lutte des classes n’intéressait plus les matinales radiophoniques et les plateaux télé ? À l’automne 2018, elle s’est soudain réimposée en jaune via les revendications autour du tarif du diesel.

Personne n’a envie de léguer une planète toute pourrie à ses mômes. Les Gilets jaunes ne vont certainement pas prétendre le contraire. On a cependant bien entendu la défiance de certains à l’égard des écolos, perçus comme des privilégiés brassant de l’air pour dégrader encore davantage les conditions d’existence de « celles et ceux qui bossent ». En retour, il faut bien avouer que les associatifs et militants verts se sont souvent bouché le nez pour ne pas respirer les effluves carbonées des barbecues de péage. La jonction a néanmoins pu s’établir, un peu tardivement, un peu trop marginalement sans doute, via un des plus beaux slogans de la période : « fin du monde et fin du mois, même combat ». On ne peut quand même pas tout à fait parler d’osmose, les uns et les autres peinant à se convaincre qu’ils appartiennent au même monde[6].

La « giletjaunisation » du mouvement social, voire des rendez-vous écolos, a, un temps, redonné quelques couleurs aux manifs, mais les vieilles habitudes ont la peau dure. Revendications catégorielles avant négociations, gestion stratégique du calendrier, déclaration en préfecture, segmentation des cortèges, disque des Motivés sous le ballon, trajet Place de la Liberté-mairie-préfecture (adapter selon la configuration locale), et chacun-e cherche un-e camarade pour lui dire : « tu as vu ? Il y a encore moins de monde que la fois dernière ». Quand le ballon est dégonflé, on peut rentrer à la maison. On doit rentrer à la maison. Dans les grandes villes, parfois, des personnages tout de noir vêtus sortent d’on ne sait où pour ultra-violenter les distributeurs automatiques et intifader la maréchaussée. On glosera sans fin sur leur motivation, on dira qu’ils nuisent au message et qu’ils sont contre-productifs. Jusqu’à la prochaine fois et la répétition du même. Pendant ce temps la « nécessaire réforme », l’exploitation des corps, le pillage des ressources et le bétonnage suivent leur cours.

On voudrait se persuader que « la rentrée sera chaude » avant chaque rentrée, mais le Grand soir s’éloigne au fur et à mesure qu’on s’en approche. Le syndicalisme est à la peine et les beaux jours des Gilets jaunes sont derrière eux, malgré des annonces un peu trop tonitruantes pour être tout à fait sereines. Les écolos, de leur côté, se voient beaux après la sarabande électorale, particulièrement grotesque en 2020, mais les faits sont têtus : les utopies portées par l’écologie politique ont toujours massivement fondu dans le jeu de la représentation. Rien de bien fondamental à attendre sur la conduite du monde.

Bref, le rapport de force est à la ramasse, face à un pouvoir de plus en plus répressif.

La tentation est alors d’accabler celles et ceux qui désertent la lutte ou ne l’ont jamais rejointe. Militant-e-s et activistes impliqué-e-s dans l’amélioration des conditions d’existence doivent composer dans leur coin avec l’amertume, persuadé-e-s de défendre LA juste cause dans l’indifférence majoritaire. Pourtant, il y a bien un dénominateur commun à l’ensemble des luttes, qu’on peine à discerner si on s’arrête au milieu du raisonnement.

Toi, dans le mouvement social, tu voudrais faire entendre raison au gouvernement et à ses donneurs d’ordres, les patrons. Voire les virer, « exproprier les propriétaires ». Tu estimes peut-être que l’autogestion de ta boîte suffirait à assurer l’égalité sociale et le juste partage des richesses. Mais de quelles richesses parles-tu ? L’autogestion d’une usine de fabrication de LBD, par exemple, te semble-t-elle désirable ?[7]

Toi, dans la lutte écologiste, tu penses avec Cyril Dion qu’un autre capitalisme est possible. Tu voudrais accélérer la « transition écologique » pour « répondre aux enjeux climatiques de notre siècle ». Toyota te répond « chiche ! », comme ses concurrentes. Mais Toyota voudra toujours vendre plus de bagnoles, acceptant seulement de les repeindre en bleu ciel ou jaune abeille selon les circonstances. Jean Castex a fixé le cap dès son arrivée à la tête du gouvernement : « je crois à la croissance écologique, pas à la décroissance verte »[8]. Cette transition n’annonce ainsi qu’une énième mutation du capitalisme, comme on change de pompes à l’annonce de l’hiver : quels que soient les aléas météorologiques, l’important est de continuer de marcher. Mais comment, au juste, envisages-tu de concilier le principe de croissance perpétuelle et la préservation des ressources dans un monde fini ?

Ainsi, qu’on soit focalisé sur l’emploi ou l’impact environnemental de la production, on ne s’intéresse que très rarement à la production elle-même, à la nature des marchandises produites. La production échappe à la décision des êtres humains qui la subissent pourtant via le travail et la consommation. La nature de la marchandise (bien ou service) est laissée à la libre appréciation d’une entité abstraite qui est aussi une catégorie capitaliste : on appelle ça « l’Économie ». C’est l’Économie qui impose la 5G afin de pouvoir interconnecter tous les objets de la cuisine et faire dire à ton frigo « tu devrais racheter des yaourts ». C’est l’Économie qui pointe les « secteurs porteurs et innovants » où devront travailler tes gosses. C’est l’Économie qui dicte les conditions d’exploitation des matières premières et des « ressources humaines ».

Une certaine urgence

Nos réflexions individuelles et collectives resteront déconnectées et incomplètes tant qu’elles s’obstineront à envisager l’économie comme une catégorie neutre, éventuellement réformable si elle ne va pas dans le bon sens, et négligeront d’explorer ce qui devrait les rapprocher : la critique du travail.

Questionner le travail, et décortiquer ainsi le mode de production, permettrait non seulement de fédérer les colères, mais aussi et surtout, de dresser les contours d’une production directement associée aux vrais besoins et désirs humains, et non à la logique abstraite du bénéfice. Questionner le travail, c’est commencer à reprendre nos vies en main en refusant le diktat de l’économie : « on arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste ». Le slogan de Gébé n’a pas pris une ride[9].

L’assignation à résidence du printemps 2020 aura peut-être eu cette vertu – la seule –, en extrayant temporairement nombre de personnes du circuit du travail, de nous faire redécouvrir la lenteur et l’ennui, de nous permettre aussi d’objectiver un peu le travail, en distinguant les activités qui servent réellement les communautés humaines de celles qui les servent moins, voire pas du tout, qui leur sont même parfois franchement nocives. Enfin, de faire le tri dans nos aspirations intimes, à l’écart temporaire du formatage publicitaire.

Il faut questionner le travail, et pas seulement ses modalités formelles, pour cerner plus correctement le mode de production dont il est la substance[10] : pour plus justement appréhender l’égalité sociale (la conquête du pain et la quête de l’emploi, ce n’est pas la même chose), la notion de nécessité, la concentration territoriale, l’éducation, l’exploitation des ressources… Sans oublier l’asymétrie des conditions de vie et des rapports sociaux liées au genre, ainsi que le colonialisme toujours à l’œuvre parce que « l’Économie » l’exige. Où se trouvent les mines de coltan, sans lequel ton téléphone portable ne fonctionnerait pas, empêchant hélas ta cheffe de t’appeler à point d’heure ? Où se trouvent les mines d’uranium de la fée électricité française, qui illumine le quartier de la Défense toute la nuit ? Qui exploite le pétrole qui te permettra d’aller bosser demain à trente bornes de chez toi ?

Questionner le travail, c’est penser l’évolution du monde en refusant l’opposition libéralisme versus populisme qui, artificielle et faussement contradictoire, détourne l’attention en n’offrant que des perspectives mortifères.

Questionner le travail, enfin, ce n’est pas bouder les modalités « prolétariennes » des luttes sociales en invalidant leur utilité, ce qui serait très con et grossier au regard des conquêtes historiques garantissant encore à certain-e-s d’entre nous un confort et une forme de sécurité sociale dans le cadre établi, mais réfléchir à leur dépassement, pour que la fin inéluctable du mode de production capitaliste soit correctement pensée et préparée dans le sens d’un réel progrès humain, en digue haute et solide contre le raz-de-marée réactionnaire qui gronde…

Merci à J.-C. et Marion
Image : graffiti attribué à Guy Debord, photo de Louis Buffier

Questionner le travail #2 : Comment l’idée du travail est venue à ceux qui l’imposent aux autres.

Questionner le travail #3 : Centralité et disparition du travail

[1] Président du Medef depuis 2018.

[2] Article 23, extraits : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. […] Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. »

[3] Rappelons que la vocation d’un syndicat (de salariés) est la défense des intérêts des travailleurs, que CGT signifie « Confédération Générale du Travail », que FO signifie « Force Ouvrière », etc. Souvenons-nous aussi que les partis politiques de gauche ont fondé leur primo-existence sur l’importance du travail productif : avant le PS, il y avait la SFIO (« Section Française de l’Internationale Ouvrière ») ; Et puis le PCF défendait la révolution prolétarienne, tout comme « Lutte Ouvrière », etc.

[4] Gérard Noiriel, dialogue avec Nicolas Truong, Les Gilets jaunes à la lumière de l’histoire, Le Monde / L’aube – 2019.

[5] Cadres et Professions Intellectuelles Supérieures.

[6] Cette description ne doit être envisagée que comme un état « moyen » et subjectif des faits. La sociologie des Gilets jaunes résiste à toute caricature, et nombre de camarades ne se sentiront pas concerné-e-s par ce genre de distinctions, à raison.

[7] En paraphrase de Claude Berger, auteur de Pour l’abolition du salariat (1976), cité par Alastair Hemmens dans Ne travaillez jamais, éditions Crise et Critique – 2019.

[8] Intervention à l’Assemblée Nationale, le 15 juillet 2020.

[9] L’An 01, bande dessinée de Gébé puis film de Jacques Doillon, Alain Resnais et Jean Rouch – 1971-1973.

[10] Selon la thèse de Robert Kurz, théoricien de la « critique de la valeur-dissociation ». Lire à ce sujet La substance du capital, paru aux éditions L’Échappée en 2019 : indispensable, quoiqu’un peu difficile à escalader par la face nord quand on n’a pas le jargon.

  1. Fredon

    Gilles a, effectivement, pris de la hauteur pour nous proposer de dépasser les visions à court terme qui nous enferment dans des mouvements qui peuvent paraître rituels et surtout ne pas bouleverser les rapports sociaux qui peinent à se développer favorablement, faute de cibler l’essentiel, le système économico-politique capitaliste fragilisé, certes, mais qui cherche à convaincre de sa volonté réformiste pour mieux calmer les ardeurs et trouve des alliés syndicaux et politiques

    Par manque de perspective politique révolutionnaire qui s’attaque à la racine du mal et constitue l’enjeu historique de la crise actuelle : en finir avec la main-mise des classes possédantes sur les moyens, donc les choix de production et sur l’exploitation des salariés(es) qui assurent l’essentiel des richesses issues de leur travail, principale source de l’accumulation des profits pour les actionnaires dont font partie les propriétaires d’une main-d’oeuvre par ce fait aliénée.

    Gilles a des formules saisissantes pour illustrer le décalage entre le niveau des revendications dont il ne nie pas la nécessité permanente tout en en montrant les limites et les contradictions.

    Je partage nombre de ses constats et de sa volonté de mettre le doigt là où ça fait mal en interrogeant le travail détaché de la question de l’emploi, plus encore au centre des préoccupations de cette rentrée très spéciale, qui la rend encore plus anxiogène.
    Oui “questionner le travail, c’est commencer à reprendre nos vies en main en refusant le diktat de l’économie…”dit Gilles. Bien que ce ne soit pas l’économie, en général, qui soit mise en cause mais l’économie capitaliste.

    De même que ce n’est pas le travail en lui-même -dont il faudrait définir l’histoire et les dimensions philosophiques, économiques, politiques- qui est la cause de l’usage qu’en ont fait les hommes aux différentes étapes de leurs rapports sociaux.
    La période qui correspond à la domination de la propriété privée aura été celle de la division de l’homme avec lui-même.

    Parce que mis en concurrence avec les autres hommes et ne satisfaisant ni ses besoins, ni ses désirs, ni ses rêves. Nous y sommes encore.

    Les conditions sont-elles créées pour abolir la propriété privée à court terme et opter pour une société fraternelle à construire séance tenante ? Qui oserait dire…oui ?

    Et pourtant le rejet des politiques libérales, en France notamment, est largement majoritaire dans le peuple même s’il ne s’exprime pas dans les urnes ?

    Ce décalage, pour ne pas dire “contradiction”, c’est toute l’équation à résoudre. Et elle commence par la compréhension non pas de ce qui ne va pas avec le libéralisme , flanqué d’une extrême-droite à la même idéologie ultraconservatrice qui sévit en Europe et dans le monde. Mais pour construire une alternative de rupture avec les plans de “relance” qui ne sont qu’aggravation de la domination capitaliste.

    Débattre en même temps des questions idéologiques pour clarifier les enjeux et préciser les urgences pour mieux rassembler et impliquer les citoyens relève d’une même logique. Comprendre pour mieux agir.

    René Fredon

    • Comment by post author

      René,
      si la critique du texte est tout à fait légitime, tu ne peux par contre pas lui faire dire ce qu’il ne dit pas. J’insiste sur l’économie tout court, sans adjectif derrière, et le travail, en tant que catégories capitalistes non réformables. Considérer, avec le PCF par exemple, que le capitalisme pervertit l’économie et le travail, penser donc que ces deux catégories sont neutres par essence et qu’on pourrait les améliorer au bénéfice de la multitude, c’est, de mon point de vue, continuer de penser une alternative au sein même du capitalisme, et non une alternative au capitalisme. C’est le piège dont nous ne sortons pas, et force est de constater la difficulté qu’il y a à penser hors de ce cadre.

  2. Fredon

    Gilles,

    Je ne comprends pas ta réaction très vive à mon texte qui partageait l’essentiel de ta démarche et la nécessité d’approfondir certaines notions dont celle du travail que tu as évoquée de manière tout à fait constructive, à mon avis.

    Je t’aurais fait dire ce que tu n’as pas dit ? A quel moment ? Parce que j’aurais suggéré une précision concernant le terme “économie” -aux sens divers et nombreux- en ajoutant “capitaliste” ? En quoi aurais-je voulu te faire dire autre chose et en quoi cela affecte-t-il mon intérêt réel pour ton texte et son contenu ? Ce n’était pas une injonction que je sache et si j’ai mal compris, il te suffisait de le dire tranquillement. Je ne vois pas ce qu’il y avait de sacrilège. Je n’aurais jamais pensé que cela puisse te blesser . Il faut que tu m’expliques.

    D’autant que, sur ta lancée, tu fais au PCF un vrai procès d’intention. En écrivant qu’il considérerait les notions d’économie et de travail “neutres par essence et qu’on pourrait les améliorer au bénéfice de la multitude, c’est, de mon point de vue, continuer de penser une alternative au sein même du capitalisme, et non une alternative au capitalisme…”

    Pour de l’outrance, c’est de l’outrance doublée d’ignorance après un 38è congrès qui a eu l’audace de mettre le communisme à l’ordre du jour, “comme processus historique d’abolition réussie du capitalisme…pour dépasser l’enfermement de chacune et de chacun dans les aliénations d’un travail, d’une consommation et d’une vie sociale dominées par une production au service de la marchandisation et de l’accumulation capitaliste et pour faire avancer une efficacité sociale pour le droit au bonheur de chacune et de chacun.”(page 17 du Manifeste du parti communiste du 21è siécle)

    Certes le PCF a beaucoup perdu de son influence au temps du Front populaire, de la Libération et de mai 68…des jours heureux, quoi. Il a commis des erreurs stratégiques en privilégiant des alliances avec une social-démocratie qui s’est convertie au libéralisme dès les années 80 et a fait le lit du Macronisme après Hollande, ce grand pourfendeur de la finance, comme on le sait….pour être “court”.

    Je ne m’attendais vraiment pas à ça de ta part. Le PCF est le seul parti qui se réclame du marxisme sans en faire une bible mais une boîte à outils plus que jamais opérationnelle.

    Je t’invite à prendre connaissance du discours de Fabien Roussel (1) samedi à Malo-les-Bains. Ce n’est qu’un discours, certes, mais encore faut-il le connaître pour ne pas faire de contresens sur ce qu’il contient.

    Tu es bien placé pour le savoir, je me suis démarqué à Toulon de certaines pratiques confiscatoires de trois partis -dont le mien- en perte d’influence qui ont monopolisé le pouvoir et le contenu d’une liste à soutenir, autoproclamée “unitaire, citoyenne et même historique” à partir d’une assemblée où militants et sympathisants étaient majoritaires. Liste absente des entreprises et quartiers populaires.

    Résultat : 9,5% de…35% des exprimés ! Historique. Je n’en dirai pas plus.

    Les classes populaires aliénées et même les autres jusqu’aux possédants, ont besoin d’en finir avec l’exploitation capitaliste, la difficulté, outre qu’elles n’en ont pas toutes, spontanément, ni la conscience ni l’envie, vu l’environnement médiatico-idéologique, c’est qu’il n’y a pas de modèle à imiter. Sinon, à partir des luttes sociales construire un débouché politique clairement anti-capitaliste adapté aux aspirations populaires et aux mutations technologiques, débouché qui sera l’oeuvre du peuple lui-même ou ne sera pas.,

    L’anti-communisme de droite, du centre, de gauche et d’ailleurs ne peut servir que les intérêts des ennemis de classe. Nous disons : primauté au mouvement populaire le plus large possible.

    Pour ma part, je continuerai à te tendre la main, pas jusqu’à me faire tordre le bras.
    Ce n’est qu’ensemble que nous briserons nos chaînes. Le moment est propice, l’histoire s’accélère mais tout peut arriver, même le pire.

    René Fredon
    3/9/20

    (1) https://webmail1c.orange.fr/webmail/fr_FR/read.html?FOLDER=SF_INBOX&IDMSG=77083&check=&SORTBY=1

    • Comment by post author

      René,
      aucune animosité dans mon propos, juste une précision argumentaire, qui tient toujours malgré la réponse à la réponse.
      Amitiés.
      g

    • De passage

      “un 38è congrès qui a eu l’audace de mettre le communisme à l’ordre du jour”

      René on ne se connaît pas, mais ce bout de phrase dit tout. Au bout d’un siècle, il serait temps de le saborder votre parti qui de près ou de loin n’a jamais rien eu de communiste.

  3. annette

    Merci Gilles, c’est tout vrai ce que tu as écrit; J’ai 64 ans et depuis mon jeune âge* c’est comme tu dis, les luttes / travail ne sont que “quantitatives” (c’est comme cela qu’on les désignait) et non “qualitatives” . Avec la conscience d’une Terre aux ressources limitées, la conscience collective va évoluer : merci d’avoir “enfoncé le pion”.
    * au calcul de la retraite, je n’ai que 5 ans de vie salariée, et je n’ai pas été manchote, j’ai fait ce qui me semblait nécessaire, et le temps passe vite!

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