Beaucoup de gens nous questionnent, cherchent à savoir pourquoi notre génération est à la dérive, en quête de sens devant des écrans, ne croyant plus en rien…
Beaucoup encore condamnent les vitrines brisées et les jets de pierres.
Tant de gens si prompts à dénoncer nos actes, mais inutiles et impuissants face à la dépression chronique de leurs enfants et les suicides à la chaîne dans les universités, parfois par le feu.
Les idéaux nés de la résistance ont été remplacés par Mai 68, et les héros par les leaders de l’époque qui ont retourné leur veste rouge, la couleur des communards.
Ainsi les idéaux de pacifisme et les «jours heureux» par les urnes ont clairement échoué.
Ainsi les «luttes sociales» n’ont jamais vraiment abouti à faire trébucher les dominants, à peine à les freiner.
Ce qu’on appelle «violences urbaines» n’est que le fruit des mauvais compromis avec le monstre, foulant les tombes de ceux qui ont donné leur vie pour que nous vivions en paix.
Et aujourd’hui, tant de gens ne comprennent pas les Gilets jaunes ?
Alors oui, les jeunes jettent des pierres et boivent pour oublier. Non plus pour le plaisir, mais pour contrarier les erreurs du passé, pour oublier que vous les avez abandonnés, seuls dans l’escalier sans fin de la société de consommation, donjon imprenable qui prône la compétition entre des gamins instables qui ne s’estiment jamais au niveau des attentes. Évidemment, nous n’avons «manqué de rien»… Sauf du principal. On a troqué notre éducation politique contre du plaisir matériel, la confiance de l’être contre le paraître et délégué le tout à l’ «Éducation nationale» dans l’espoir de nous voir briller chacun un peu plus que les autres.
Alors oui, nous sommes le pur produit des compromissions avec le cerbère capital / État / police qui atteint son paroxysme aujourd’hui et dont, en premier, nous subissons les effets.
Nous sommes l’angle mort de votre héritage, le reflet noir de vos iris, une génération floue, sans espoir d’un monde meilleur, vivant malgré nous dans une société violente où les vilains sont impunis et où les gentils font semblant que tout va bien, dans le pire des mondes.
Ne vous étonnez pas de nos réactions intestinales, car ces intestins crispés dès le lever, c’est nous qui vivons avec.
Mais aujourd’hui, à la croisée des chemins, nous sommes là, avec vous, à côté de vous.
Serons-nous tous ensemble, pour la première fois, à la hauteur des enjeux de cette époque violente ?
Car non, nous ne sommes pas des enfants violents, nous sommes les enfants de la violence.
Intervention publique lors d’un rassemblement contre la loi Sécurité globale, Toulon, décembre 2020.
Image : Banksy, “Rage, the flower thrower”, 2003.
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