La question est : pourquoi ?
Pourquoi cette «dérive» sécuritaire et autoritaire ?
Est-ce la pente naturelle sur laquelle glissent tous les gouvernements, si on les laisse faire ?
Serait-ce parce que, comme on nous le dit à la télé, la société est devenue violente ?
Mais de quelle violence parle-t-on, exactement ?
Celle du black bloc, des «casseurs» qui foutent le feu aux poubelles lors des manifs ?
Ou bien la violence économique, la violence des actionnaires ?
L’arrogance du pouvoir, le mépris de classe, la violence verbale des médias dominants ?
La violence de la pauvreté, la violence psychologique, la violence de l’exclusion, de la stigmatisation, la violence de l’isolement dans une société toujours plus atomisée ?
Cette violence sert assurément les intérêts d’une minorité qu’il est pourtant inutile de pointer du doigt sauf à vouloir se faire plaisir un instant, puisque la minorité renaît toujours de ses cendres, puisque un profiteur en remplacera toujours un autre tant qu’on n’en aura pas fini avec la logique du profit.
Car le monde n’est pas tant gouverné par des individus que par une idéologie dont chacun et chacune d’entre nous a intériorisé les principes pendant trop longtemps de façon positive, convaincu-e qu’on pouvait se réaliser individuellement à travers la marchandise, qu’on ait ou pas les moyens de le faire d’ailleurs, en prenant un crédit à la consommation, en achetant de nouvelles godasses, un nouveau smartphone, une nouvelle bagnole, en faisant une croisière ou en prenant l’avion pour une semaine de dépaysement annuel.
Une idéologie auto-destructrice qui porte différents masques – l’ «économie», la «croissance», le «bénéfice», le «libéralisme», le «néo-libéralisme», l’ «ultra-libéralisme», mais dont le véritable nom est : capitalisme.
Et quand les populations des pays riches, comme le nôtre, qui jusque là profitaient assez paisiblement de la misère et de l’exploitation invisibilisées du bout du monde, commencent elles aussi à s’en prendre plein la gueule et se rebellent enfin, parce que nous ne supportons plus de nous voir réduit-e-s à la condition de «ressources humaines» – il n’y a qu’à voir à quoi ressemblent nos vies en temps d’épidémie – , quand donc nous sortons dans la rue pour exprimer notre colère, la bête, blessée, sort les crocs, les LBD, les grenades et les drones.
Car la violence sécuritaire et liberticide que nous combattons est bien celle de cette idéologie entrée dans sa phase terminale, n’arrivant plus à surmonter ses contradictions internes, une idéologie qui ne se contente pas seulement de scier la branche sur laquelle l’humanité est assise, puisqu’elle a aussi entrepris de couper l’arbre et de foutre le feu à la forêt.
Viser seulement ses incarnations, qu’elles se nomment Macron, Darmanin, Elon Musk ou Bernard Arnault ne suffira pas.
Mais l’émancipation individuelle, l’élargissement de la prise de conscience collective et la constitution d’un rapport de force ciblant sans nuances cet adversaire aussi étranger qu’intime, permettront de trouver une issue positive à la nasse dans laquelle nous sommes toutes et tous piégé-e-s.
Et c’est seulement ainsi, par l’invention, ensemble et maintenant, de nouveaux rapports sociaux et de nouveaux modes de production, que nous pourrons éviter d’être submergé-e-s par la violence.
Prise de parole publique – rassemblement pour le retrait de la loi Sécurité globale, 30 janvier 2021.
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